Si l’obligation de travailler n’existait plus

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EBR2012 ex-Film de campagne (à partir de 41 min)
par Pierre Cardonnel
http://www.youtube.com/watch?v=BBAy-DTRqQ0&list=UUF8KbNV0SQjzfq_zaJVYdRw&index=1&feature=plcp

Quel serait le degré de motivation pour contribuer à notre Monde si l’obligation de travailler n’existait plus, et si l’activité effectuée n’était plus rémunérée par de l’argent ?

Est-ce que les astronomes cesseraient de scruter les mystères de l’Univers parce qu’il n’y aurait plus de chèque en fin de mois ? Et sachant que leur confort de vie serait assuré de manière indépendante de leur activité, et qu’ils bénéficieraient des outils les plus perfectionnés pour leurs observations, leurs recherches… perdraient-ils réellement leur motivation ? Les passionnés d’informatique, les petits génies de la robotique cesseraient-ils de travailler à leur passion pour rester avachis dans des canapés ? Les musiciens arrêteraient-ils définitivement la musique ?

Si chacun d’entre nous avait les moyens d’accéder à la formation faite par des passionnés, des maitres, pour apprendre, être efficace dans sa propre passion, dans ce pourquoi l’on se sent doué; ce qu’on est prêt à donner au Monde, quel qu’en soit le domaine, est-ce que cela ne serait pas plus gratifiant, bien plus agréable, en comparaison de ce qu’on demande en ce moment de chacun d’entre nous ? Pour qu’en plus, on vive en tirant le diable par la queue ? Si l’on regarde bien, actuellement, on est même prêts à perdre de l’argent, à payer, pour faire nos passions: cours de danse, de cuisine, apprentissage d’une langue, etc. …

De plus, aujourd’hui chaque entreprise a pour but de faire de l’argent, et n’a son activité que comme moyen d’arriver à son but. L’industrie pharmaceutique n’a pas pour but de faire des médicaments: faire des médicaments, c’est son moyen d’action pour faire de la rentabilité. Un album de musique n’est plus produit pour faire de la musique, cette production musicale est le moyen d’action pour l’industrie du disque de faire de la rentabilité. Que deviendrait la motivation des gens si leur activité redevenait le but ?

Quant à l’idée de ne plus être financièrement rémunéré pour ce que l’on fait, est-ce qu’on imagine un instant la réelle rémunération que l’on aurait ? Si la société me donne l’occasion de donner le meilleur de moi-même, ce que de toute manière j’aime donner aux autres, cela veut dire qu’en retour, je bénéficierai du meilleur de tout le monde, dans tous les domaines composant la société. Je serai libéré de la contrainte d’être systématiquement bloqué dans mes choix de vie, parce que je dois quotidiennement subsister à mes besoins, et à ceux des miens. Contrairement à l’immédiateté contraignante actuelle, j’aurai le temps de faire ce qui est bon pour moi,  d’être détendu dans ma vie, et de contribuer à hauteur de ce que je veux donner au Monde. Parce qu’aujourd’hui, en toute honnêteté, qui est vraiment heureux de se lever le lundi matin ? Combien d’entre nous vivent grâce à leur réelle passion, leur réel savoir-faire ?

Quant aux gens les plus riches de notre Monde actuel, malgré leur flot d’argent virtuel, est-ce qu’ils bénéficient du meilleur savoir humain pour autant ? Les gens les plus riches du XVIIIe siècle, malgré leur puissance financière, n’avaient aucune chance de bénéficier des progrès des siècles suivants. Auraient-ils abondonné leur fortune si en échange, ils avaient pu bénéficier gratuitement de notre technologie actuelle, des progrès médicaux, de la possibilité de voyager si vite dans le ciel, d’avoir accès à tous nos loisirs ? Un Monde où les talents ne seraient plus freinés, mais poussés de l’avant sera un Monde bon pour toutes et tous. Nous avons tous à y gagner, même ceux qui se pensent très privilégiés actuellement.

A nouveau, si nous rationalisons notre production de manière la plus pragmatique et efficace possible, et que nous réfléchissons sur les fonctions précises de nos besoins, alors nous aurons tous accès à cela, d’où que nous venions, qui que nous soyons.

Bien sûr, une autre question se pose: celle du mérite. Pourquoi certains auront le même accès aux biens en contribuant moins ? Tout d’abord, si l’on parle de mérite, il nous faut faire le point sur cette notion actuellement. Certains se lèvent plus tôt que d’autres, c’est vrai. Mais est-ce que celui qui bénéficie d’un parachute doré mérite les millions qui lui sont attribués ? Est-ce que l’enfant qui meurt de faim mérite son sort ? Est-ce que vous estimez que le peu que vous avez le droit d’avoir dans vos vies actuellement est réellement ce que vous méritez d’avoir ? Oui, dans la vie, certains font plus que d’autres; mais si l’on se replace dans la perspective que ce que l’on donnera sera pour nous un plaisir, et que le but sera ni plus ni moins que chacun bénéficie du meilleur de cette contribution collective. Est-ce que la jalousie et la rancoeur seront réellement nos préoccupations dans un monde où chacun sera détendu ? Est-ce qu’on aura vraiment à jalouser son voisin quand a priori, nos propres besoins seront satisfaits ?

Si l’on réfléchit, c’est la société actuelle qui cherche à faire de nous des gens capricieux pour faire tourner la consommation cyclique. Nous sommes très capricieux collectivement, mais en fait, nous ne bénéficions que très rarement des biens que la société nous invite à acheter. C’est une carotte au bout du bâton: on la voit, on pense qu’on va l’avoir, mais on ne la mange quasiment jamais. Si nous ne sommes plus dans l’immédiateté, mais dans l’assurance que nous allons bénéficier de ce dont nous avons besoin, on ne sera plus poussés au caprice non satisfait. Si dans ma cantine, alors que je veux des frites, on me dit qu’il y en aura que demain, et qu’on me propose des pommes dauphines à la place, est-ce que je vais réellement taper un scandale ?

Quant au problème de la rareté de certains produits, il va nous falloir réfléchir. Il n’existe pas assez de tel grand cru de vin pour tout le monde, c’est certain. Ceci dit, peut-être que nous pourrions utiliser scientifiquement les méthodes employées dans la production de grands crus pour des produits de plus grande consommation. Et peut-être que celui qui voudra réellement obtenir un grand cru pourra par exemple participer aux vendanges de ce vin. Je n’ai pas de solution toute faite; en revanche, à tous, on va trouver les solutions.

Quant à la question de la violence quotidienne qui habite notre monde, est-ce que l’on peut penser qu’elle est fortement lié aux conditions de vie actuelle ? Est-ce qu’on voleur le sera toujours quand il n’y aura plus rien à voler, plus d’argent, et qu’il bénéficiera comme tout le monde d’une vraie richesse de vie ? Quelle est la part des conditions de pauvreté, d’exclusion, d’humiliation dans la violence d’aujourd’hui ?

Je suis persuadé que notre société actuelle flatte nos mauvais instincts, elle nous individualise complètement, tout en niant l’individu et en essayant de le fondre dans une masse informe. Elle nous met en concurrence les uns avec les autres, et notre possibilité de survivre passe souvent par le fait d’écraser autrui. Nous sommes tous méfiants des autres, et nous avons toujours l’impression d’être arnaqués, volés. On sait que les gens qui sont montés très haut et qui dirigent nos destinées sont les plus compétitifs, ceux qui ont le moins d’empathie, qui sont prêts à corrompre ou à être corrompus, ceux qui ont les dents les plus pointus. Mais est-ce qu’il faut qu’on les pointe du doigt, ou est-ce qu’il faudrait plutôt nous dire que si les moins ethiques gagnent actuellement le jeu, peut-être que c’est la règle actuelle de ce jeu qui doit être remise en cause.

(…) Quant à la question de l’utopie que représenterait une telle société, posons-nous la question du sens qu’utopie peut avoir aujourd’hui. Est-ce que ce n’est pas tout simplement un synonyme de projet, dans un monde qui a une absence absolue de projet ? Je conçois qu’une société totalement différente de la nôtre puisse sembler irréaliste, puisque nous sommes complètement habitués aux valeurs de notre société actuelle. Surtout si cette société s’oriente vers le bien-être de chacun. C’est trop facile. C’est le monde des Bisounours… Cependant, quelle société peut être irréaliste, magique, utopique; et quelle société peut être pragmatique ?

Est-ce que celle où l’on ne veut pas voir les causes réelles de nos problèmes, celle qui se base sur l’idée que l’on pourra éternellement consommer les choses plus vite qu’elles ne se renouvellent, celle où le rationnement de nos besoins se fait avec des chiffres qui ne correspondent plus qu’à eux-mêmes, celle où toute structure, tout individu est en concurrence systématique, celle où l’on pille des ressources, faisant des carnages écologiques, géopolitiques et sociaux, et où l’on croit magiquement qu’elle apportera paix et prospérité d’une manière soudaine, est-ce que ce type de société est pragmatique ?

Quant à l’autre type de société, celle qui se soucie de comprendre les causes de nos problèmes pour stopper les conséquences, celle qui a pour but de faire en sorte que les habitants de la planète puissent vivre mieux que moins bien, celle qui utilise les compétences et outils disponibles actuellement pour arriver à ses fins, est-ce que ce type de société est irréaliste, magique, utopique ? Cette idée d’économie basée sur les ressources est déjà dans la tête de dizaines de milliers de personnes de part le monde. Des réflexions d’individus, de mouvements de pensée sont déjà dans l’air du temps. Il faut que le débat sur ces idées grossisse encore plus. (…)

From: demonetize.itBy: Andreas Exner