Economie Basée sur les Ressources (Mode d’emploi)

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Economie Basée sur les Ressources (Mode d’emploi)
par Pierre Cardonnel
http://www.youtube.com/watch?v=BjV0ByAV_oY

Si l’on s’en tient à l’idée qu’un système économique a pour fonction de réguler l’offre et la demande en biens et services, on peut faire l’analyse des “niveaux” que l’humanité a dû emprunter.

Le niveau 1, c’est le stade partagé avec tous les animaux: on se sert de ce que la nature produit, on cueille, on chasse; mais les limites sont très vite atteintes: on ne produit que très peu, on se sert, c’est tout. On n’est pas encore véritablement dans l’échange. Lorsqu’on commence à produire et qu’un système réel d’échange se passe, on en vient au niveau 2: le troc. On cède la propriété d’un bien ou d’un service, contre un autre bien ou service. Il y a des unités de comptes qui permettent de s’y retrouver. Par exemple, dans l’espace méditerranéen antique, le bétail (souvent le boeuf), servait à quantifier la valeur de ces biens et services. Là aussi, les limites arrivent très vite, les chances de faire coïncider l’offre et la demande sont très infimes: je veux échanger mes moutons contre des outils, mais mon interlocuteur n’a pas besoin de moutons, il en a déjà. Notre échange ne se fera donc pas.

C’est là qu’intervient le système de monnaie, le niveau 3, système vieux d’un peu plus de 2000 ans. C’est le niveau dans lequel nous somme encore. Ce système est basé sur des unités rares et plus faciles à transporter que les boeufs par exemple.Ce système utilise comme référent les métaux précieux, notamment l’or et l’argent. C’est particulièrement grâce à ce système que nous avons pu multiplier les échanges à une allure phénoménale, et de ce fait, bénéficier aujourd’hui d’outils et de techniques très avancées pour une espèce vivante. Cependant, il ne faut pas avoir un jugement moral sur la monnaie, qui n’est après tout qu’un outil ayant une fonction de régulation de l’offre et de la demande en biens et services. Il nous faut prendre du recul, essayer d’être les plus pragmatiques possibles. Puisqu’on a vu que les niveaux 1 et 2 atteignaient des limites et nécessitaient de passer à un niveau supérieur, il nous faut faire le même travail avec le niveau 3, celui de la monnaie.

Première limite, la rareté des biens ou des services. Pour fixer un prix, il faut analyser le degré de rareté d’un bien, la difficulté de son extraction, de sa transformation, de sa fabrication; le nombre de personnes nécessaires à tout cela. Plus un objet est composé de matériaux rares, plus la complexite des savoirs et des techniques sont nécessaires pour sa création, plus l’objet en question sera cher. C’est très logique.

Maintenant, notre capacité industrielle a poussé la productivité aux limites de la rareté, et si l’on réfléchit, on se rend compte que la réalité est souvent niée. Par exemple, on veut penser aujourd’hui que l’eau est un enjeu de rareté. Ici ! Sur la planète bleue !… où l’on estime la quantité d’eau à un milliard 360 millions de km3. Le problème est-il une question de manque de créativité quant aux moyens dont nous disposons pour récolter et retraiter cette eau, ou le problème est-il que la soit-disant rareté de cet élément naturel et abondant permet de gros bénéfices pour ceux qui se l’approprient ?

L’eau n’est qu’un exemple parmi l’ensemble des biens et services, et comme on aura pu le déduire, notre capacité technique réelle à créer de l’abondance est freinée par ce qu’est devenue la monnaie. C’est la monnaie qui génère le déni de cette consommation cyclique et cannibale; c’est elle qui ne veut pas voir que le travail salarié est mort. Cette monnaie qui n’a plus rien à voir avec les biens physiques, et qui ne correspond plus qu’à elle-même; cette monnaie qui n’est plus qu’une fiction de chiffres stockés dans des ordinateurs de ci, de là.

Alors, oui, lorsqu’un système économique a montré ses limites, malgré les habitudes, il a fallu en changer; c’est ce qu’on fait nos ancêtres. Se servir dans la nature n’étant plus pertinent, on est passés au troc; le troc n’étant plus pertinent, on est passés à la monnaie; et la monnaie n’étant plus pertinente, eh bien malgré l’idée qu’on se fait qu’elle est aussi naturelle que l’air que nous respirons, ou que la course de la Terre autour du soleil; c’est-à-dire que c’est la seule référence que nous connaissons, nous devons en changer. Objectivement. Alors certes, il y a une mauvaise nouvelle, si nous ne voulons pas voir le Monde s’effondrer à cause d’une abstraction, nous sommes obligés de changer. Cependant, il y a une nouvelle nouvelle: nous pouvons aisément changer, nous avons les outils, et nous avons toutes et tous à y gagner. Pour cela, il faut passer au niveau 4: une économie basée sur les ressources.

Imaginons une entreprise. Celle-ci tente de fonctionner sans avoir la moindre idée de la réalité de ses stocks: pas de recensement des matières premières utiles pour la fabrication de sa production, et pas de comptabilité des produits aptes à la vente. De plus, cette entreprise n’accorde aucune importance à ses atouts; outils techniques, mais également compétences diverses et créativité des équipes qui la composent. Aucune fluidité de coopération n’est permise entre les corps de métiers, au contraire, chacun tire la couverture à soi, ne permettant pas la coordination nécessaire à l’élaboration d’un produit optimal. Pas de gestion des stocks, aucun recensement de ses atouts, pas de but commun de l’ensemble des membres qui composent cette entreprise. Qui d’entre nous parierait sur la réussite de cette structure ?

Durant les 200 dernières années où notre monde basculait d’une société de basse énergie à celle de haute énergie, il y eût plusieurs propositions pour tenter de répondre à cette nouvelle donne. Le capitalisme, le communisme, le socialisme, et même le fascisme ont été des tentatives organisationnelles de s’adapter à ces contraintes et enjeux nouveaux. Ceci dit, ces tentatives n’ont pas cherché à sortir du champ du niveau 3, celui de la monnaie et du travail rémunéré; car certaines notions n’ont pas fait partie de l’équation de départ de ces théories: le fait que les ressources terrestres sont finies, qu’elles ne sont pas inépuisables, et ont un taux de renouvellement spécifique; le fait que la technologie allait croitre de manière exponentielle, les outils prenant peu à peu la place de l’homme dans la production; et le fait que l’électicité, amenant l’électronique, puis l’informatique, et donc des outils logiciels très performants permettraient de rationaliser la gestion de nos stocks de matières et d’énergies; ainsi que nos atouts, nos outils: notre savoir-faire et notre technologie. Ces outils de gestion intelligente qui mettent au rancard la gestion aveugle de l’offre et de la demande en biens et services qu’est la monnaie.

L’exemple de départ de l’entreprise vouée à la faillite à cause d’une gestion irrationnelle est pourtant à l’image du mode de fonctionnement de notre société mondiale actuelle. Qu’est ce qu’il nous faire pour remettre les choses dans le bon sens, avec ces données que nous avons prises en compte ? Pour commencer, il nous faut tous nous mettre d’accord sur un but commun. Cela devrait nous sembler raisonnable que ce but soit de survivre de la manière la plus prospère, la plus saine, et la plus durable possible. Si nous voulons cela, il va nous falloir essayer d’être optimaux dans nos choix, et d’éviter toute action qui puisse nous nuire sur le long terme.

L’humanité dispose aujourd’hui des outils les plus puissants que la planète ait pu connaitre: la robotique, l’informatique, les logiciels qui sont des outils permettant de traiter automatiquement des tâches par un appareil informatisé, et un système de réseau de communication informatique mondial que l’on appelle internet. Tous ces outils très nouveaux dans l’histoire de l’humanité ont vocation de nous aider dans notre démarche. De quoi avons besoin pour survivre de manière saine et prospère ? Nous avons besoin des ressources terrestres: de l’eau, de l’alimentation; de l’énergie pour faire fonctionner nos outils; des matières premières pour fabriquer ces outils, et pour construire nos habitats. Il nous faut donc commencer par la base de toute gestion: quantifier et localiser au mieux l’ensemble des ressources disséminées sur l’ensemble de la planète. Mais cela n’est pas suffisant. Nous devons également faire un suivi sur le taux de renouvellement des ressources qui constituent notre stock terrestre; ainsi que comprendre l’interaction écologique de chacune d’entre elles dans leur élément naturel, afin d’éviter toute nuisance à long terme.

Notre savoir-faire humain doit être aidé dans cette démarche par des outils logiciels qui permettraient donc un système global de gestion des ressources. La préservation et l’utilisation stratégique des ressources seront essentielles pour que nous puissions envisager une production de biens et services pérennes. Pour cela, il faudra étudier la pertinence de la performance de chaque ressource, et d’éviter d’utiliser celles qui sont nuisibles, celles qui ont des rétroactions négatives. Par exemple, le fait d’utiliser encore aujourd’hui une ressource qui est en train de s’épuiser comme le pétrole à des fins énergétiques est une honte. On sait que cela crée des conséquences dévastatrices en terme de pollution, mais c’est également une ressource rare dont nous avons besoin dans d’autres domaines: fabrication de matériaux plastiques, composites, etc. la liste est longue; alors que nous la brûlons littéralement pour produire de l’énergie, énergie par ailleurs disponible partout. Car en plus d’être les pourvoyeurs de la pollution la plus massive, ainsi que la majorité des conflits terrestres qui sont, ce n’est un secret pour personne, des guerres du pétrole, ce sont les compagnies pétrolières qui sont également les plus grandes “immobilisatrices” de technologie.

Je vous invite à chercher sur internet le documentaire “qui a tué la voiture électrique”. Il fait le point sur les lobbys pétroliers qui ont fait pression sur les décisions politiques pour stopper un véhicule électrique de GM dans les années 90, véhicule rapide, économe, avec une autonomie fonctionnelle. Je savais par ailleurs que la première automobile au monde à avoir dépassé les 100 km/h en 1899, la “Jamais contente” était une voiture électrique; mais j’ai été très surpris d’apprendre qu’en 1900, sur 4192 automobiles construites aux Etats-Unis, 1681 étaient à vapeur, 1575 étaient électriques, et seulement 936 étaient à essence. Quand on sait cela, et qu’on regarde la date sur notre calendrier, on peut vite comprendre qu’il y a un incroyable foutage de gueule.

Et cette prise d’otage du progrès continue, quand on sait que les plus grandes universités scientifiques telles que le M.I.T. de Boston par exemple, ces universités nous invitent à tourner nos recherches vers les hauts potentiels d’énergies que sont la marémotrice, l’éolien, mais surtout le solaire combiné aux nanotechnologies, ainsi que la géothermie. On sait que sur Terre, l’énergie est partout.
Mais on sait aussi que les financements pour des recherches efficaces ont à lutter à armes très inégales avec les lobbys pétroliers, ou nucléaires. Pour ces derniers, les habitants de Fukushima apprécieront l’aspect propre qui nous est continuellement vanté.

Donc, pour revenir à notre logique, il nous faut étudier la performance, la pertinence et le degré de rétroaction négative de chaque ressource. Il nous faut ensuite maximiser l’efficacité dans tout ce que nous produisons. Il faut que la conception du produit soit essentiellement tournée vers la qualité optimale de notre savoir-faire; que le but soit la durabilité et l’excellence du produit, l’économie matérielle, et qu’il soit pensé recyclable et apte aux mises à jour dès sa conception. C’est évidemment l’inverse de ce que nous faisons actuellement, gaspillant nos précieuses ressources en créant des objets inefficaces, pensés pour être renouvelés rapidement. Si on considère un ordinateur par exemple: la base matérielle qu’est l’écran, le clavier et la souris n’ont pas besoin de partir entièrement à la poubelle quand il n’y a qu’une petite pièce informatique à changer dedans. Sutout si la conception de cette base matérielle a été pensée avec notre meilleur savoir-faire en terme de durabilité, de design et d’ergonomie.

Maintenant posons-nous cette question: est-ce que nous avons besoin d’argent pour obtenir des biens et des services, ou est-ce que nous avons besoin d’obtenir tout simplement des biens et des services ? Est-ce qu’un outil informatique proposant une super-gestion de l’offre et de la demande peut être plus pertinent que la gestion aveugle que propose actuellement l’argent ? Nous avons les moyens de créer ce système intelligent de gestion. Il existe pratiquement déjà au sein de chaque entreprise, il nous faut simplement l’appliquer à la gestion mondiale de nos ressources, et de nos besoins. Une gestion qui évite une multiplication inutile de produits d’une qualité médiocre, qui repense au maximum la production au niveau local, pour éviter le gaspillage d’objets produits en plein d’endroits lointains, accroissant la pollution résultant de ces transports inutiles.

Il va falloir également nous poser la question de ce dont nous avons réellement besoin. Nous avons besoin des nécessités fondamentales que sont l’habitat, la nourriture; nous avons besoin d’outils facilitant notre vie; et nous avons besoin d’objets récréatifs, de loisirs. Nous savons aussi que ces besoins sont très variables, suivant notre personnalité, notre lieu de vie, notre culture, et même notre génération. Il va donc nous falloir faire des sondages globaux sur nos besoins réels. Ceci dit, il nous faudra réfléchir sur le besoin d’un objet, ou de la fonction d’un objet. Par exemple, est-ce que l’on a besoin de produits détergents très polluants pour nettoyer une surface; ou est-ce que l’on peut donner à la surface des propriétés hydrophobes, que l’on retrouve dans la nature par exemple sur la feuille de lotus, et qui empêchent la saleté de s’y fixer ? Est-ce que l’on a besoin d’un climatiseur pour réguler la température chez soi, ou est-ce que l’on peut imiter la structure de climatisation passive des termitières, faite de conduits et puits au diamètre précis, et permettant de garder une température oscillant entre 26,5°C et 28,5°C, quand l’environnement africain dans lequel elles sont a des variations pouvant aller de 4°C la nuit à 45°C le jour ?

Nous avons déjà fait le pas de “dématérialiser” certains besoins, parce que nous avons compris que la fonction était plus pertinente que l’objet. Nous sommes beaucoup à avoir une véritable collection de musique en MP3, et de ne plus avoir besoin du support matériel qu’est le CD. Il faudrait juste que la qualité des musiques soient semblables à l’original; mais nous avons déjà fait ce grand pas de la dématérialisation. Egalement, qui voudrait retrouver un téléphone portable pesant 1 kg, mesurant 20 cm, quand nous apprécions la diminution du volume matériel ? En fait, nous sommes déjà prêts à comprendre que la fonction est ce dont nous avons besoin, bien plus que l’objet. Et ça tombe bien, car le monde logiciel est bien plus économe qu’une multitude d’objets hétéroclites, tout en remplissant haut la main les fonctions dont nous avons besoin. Il faut que notre logique du confort matériel soit tournée vers l’excellence et l’économie maximale en ressources.

Plutôt que d’avoir l’ensemble de sa maison éclairée, il semblerait plus pertinent d’avoir un système de capteurs qui fasse que la lumière soit uniquement là où l’on passe. Eh bien, il faut que cette logique soit la même pour l’ensemble de nos biens et services. Que nous ayons tout ce qu’il nous faut, mais uniquement quand il nous le faut. Pour obtenir cette production abondante, mais également rationnelle et économe, il nous faut abondonner dès que c’est possible les opérations laborieuses, et laisser l’informatique et la robotique les faire à notre place. Premièrement, parce que ces outils sont conçus pour être très précis, bein plus que l’être humain, ils ne fatiguent pas et ne se déconcentrent pas; et leurs capacités en procédures et gestes complexes sont étonnantes. Mais deuxièmement, et c’est très importants, parce que nous ne sommes pas des robots, nous sommes des êtres humains, nous valons bien plus que n’importe quel robot; et il est à l’heure actuelle indécent de faire faire des tâches très pénibles par un être humain quand une machine peut le faire. Il faut énormément de courage pour travailler à l’usine; une caissière de supermarché a besoin d’extrèmement de courage pour faire le travail qu’elle fait; c’est très long, très répétitif, peu valorisant; et ça empêche la personne qui effectue la tâche de faire ce en quoi elle se sentirait utile: ses passions, sa contribution. Utiliser un être humain pour faire ce genre de tâche, c’est utiliser un ordinateur pour taper sur un clou.

Puisqu’on a vu que l’argent ne correspondait plus aux richesses réelles, que la vieille équation survie par l’argent par le travail ne fonctionnait plus, et qu’elle était productrice de gaspillage suicidaire, alors il nous faut basculer sur ce nouveau type d’économie basé sur les ressources, managé par les systèmes informatiques, nous permettant l’accès gratuit aux biens et services dans la mesure de nos stocks de ressources réels, et de nos besoins réfléchis.

From: demonetize.itBy: Andreas Exner